ESPACE

COURANT

D'ART

Stéphane Montavon

Peintre d’origine jurassienne né à Bâle en 1960.
Vit et travaille à Genève depuis 2000.
Exposé en 1998, 2002, 2005 et 2010 à l’Espace Courant d’Art.

http://www.stephane-montavon.ch

voir catalogue MONTAVON 05

 

D'aucuns l'ont déjà dit: Stéphane Montavon est un artiste inclassable. Inutile de vouloir s'accrocher à une improbable filiation et décréter, par exemple, qu'il s'agit d'un artiste figuratif qui se souviendrait du pop'art — parmi d'autres appréciations possibles: les critères habituels sont inopérants et laissent le commentateur dans l'embarras et l'indécision. Sa filiation artistique? Lascaux répond-il... Mieux vaut se plonger dans ce magma de formes et de personnages et laisser cette foule agir sur nos sens et tenter d'en situer la très singulière présence. A parler avec l'artiste, on constate qu'avant tout message, le «vocabulaire formel» requis d'œuvre en œuvre lui importe avant tout essai d'interprétation. Ainsi, on ne saurait faire l'impasse sur la monstration de ces visages qui, tels des figures gigognes, comprennent d'autres visages et corps situés dans un plan plus réduit, qui à leur tour, emboîtent d'autres figures. Ces linéaments enferment des couleurs acidulées traitées le plus souvent en à-plats, ou alors avec très peu de modulation. Le support peut être une toile ou un panneau rigide; mais il est intéressant de constater que des papiers calques translucides reçoivent une peinture des deux côtés!

Il en ressort un effet de vitrail ou d'image indécise par l'interpénétration des deux faces.

Quand Stéphane Montavon évoque l'aspect formel de son travail, ou encore en appelle à la bande dessinée, on ne peut s'empêcher de penser que cette attitude est requise par pudeur, comme pour désamorcer la charge explosive de son œuvre. Car, en effet, nous nous trouvons le plus souvent dans un monde où pas mal de têtes, masculines et patibulaires, hantent les espaces en rangs serrés. Quand les regards goguenards s'effacent, c'est pour faire place à la saturation de visages anonymes, à la foule indivise. Dans tous les cas, l'humanité de ces personnages nous interpelle dans le sens où, «corps sans organe», ils ne nous offrent qu'une frontalité avec laquelle il semble difficile, voire impossible, d'entrer en communication. Personnages de peu de pouvoirs en attente d'événements improbables dans leur vie, ou petits nervis comme ils en courent de plus en plus dans nos villes, ils saturent et parasitent les espaces chez Stéphane Montavon.

La femme, avenir de l'homme? Il serait tentant de le penser au vu des visages féminins et des corps plus ou moins nus qui tentent de dé-saturer ce monde étouffant. Et il est vrai que ces corps longilignes font circuler un autre air. Mais aujourd'hui, sans doute, la femme n'est guère plus “sauvée” que son congénère masculin dans nos sociétés. Ces corps, masculins et féminins, tournent sans fin dans une sorte de cercle des enfers d'une modernité qui ne signifie plus grand-chose. Stéphane Montavon dresse l'amer constat de notre présent irréfléchi et, en l'état, se refuse à une résolution en majeur de celui-ci.

Michel Aebischer